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7 Mars 2011
Depuis l’antiquité, la médecine est fondée sur le principe de la théorie des humeurs.
Elle se fonde sur l’existence dans le corps de plusieurs principes fondamentaux. Hippocrate les définit dans De la nature de l’homme : « le corps de l’homme a en lui sang, pituite, bile jaune et noire ; c’est là ce qui en constitue la nature et ce qui y crée la maladie et la santé ».
C’est le bon équilibre entre ces quatre principes qui crée une bonne santé, et inversement un mauvais équilibre qui crée les maladies.
« Il y a essentiellement santé quand ces principes sont dans un juste rapport de (…) force et de quantité, et que le mélange en est parfait ; il y a maladie quand un de ces principes est soit en défaut soit en excès, ou, s’isolant dans le corps, n’est pas combiné avec tout le reste ».
1 - Origine
On attribue la théorie des Humeurs à Hippocrate. Mais avant lui, Empédocle avait exposé sa vision de l’homme et du monde fondé sur les quatre éléments. D’autres Grecs que nous allons voir ont donné eux aussi différentes visions.
* Empédocle
Le premier à exposer la théorie des humeurs est Empédocle (485-435 avant J-C). Elle se fonde sur la théorie des quatre éléments. Pour lui, les éléments sont incorruptibles, éternels et fondement de toute chose. La partition quaternaire correspond au Tetractys de Pythagore par lequel on défini les premiers nombres 1, 2, 3, 4 dont la somme fait dix, symbolisant les quatre points cardinaux ou soufflent les quatre vents, les quatre saisons et les quatre âges de la vie. Cette structure s’instaure dans un système de coordonnée binaires qui répartit les qualités en deux couples qui s’opposent : chaud/ froid et sec/ humide.
L’univers a deux états : le premier est stable et symbolisé par le Chaos. Le second est instable et symbolisé par le Cosmos. Ce dernier est le résultat de l’éclatement de l’univers en une multitude de petites particules que l’on nomme les germes. Ceux-ci se séparent à leur tour et forment alors le monde sensible. Il y a deux forces en présence et qui sont constamment au travail : la répulsion, du grec Nerkos, qui sépare les contraires et l’amitié, du grec Philotis, qui unit les semblables.
* Thalès
Avant Empédocle, Thalès de Milet (630 avant J-C) établissait déjà une cosmogonie dont l’élément fondateur était l’eau. Selon lui, l’eau serait le fondement et aurait engendrée les autres éléments, la terre, l’air et le feu. Cette vision est plus primitive mais elle fonde un esprit scientifique ou pour la première fois on conçoit la création d’un monde physique issu de lui-même sans aide extérieure.
* Anaxagore (500 - 428 avant J-C)
Pour lui l’univers est formé de particules identiques infiniment petites qu’il nomme les homéomères. Il désigne un esprit ordonnateur de tout, le Noûs, qui ne se mêle à aucune chose mais crée et organise.
* Philolaos (550 avant J-C)
C’est un des disciples de Pythagore. Il fonde sa conception du monde sur la symbolique des nombres et sur l’analogie absolue entre l’homme et l’univers. Pour lui, le monde a son feu central et le corps humain son principe de chaleur centré sur les parties génitales qui sont la source de la vie.
* Diogène d’Apollonie (469 - 410 avant J-C)
Il décrit l’âme de l’homme comme issue de l’air divin. L’air et l’âme se retrouvent ensemble dans l’encéphale, ce dernier représentant l’unité de la conscience et le médiateur avec le reste du corps. Pour lui, le plaisir se produit lorsqu’il y a beaucoup d’air dans le corps et la tristesse lorsqu’il n’y en a pas assez.
* Hippocrate (460 - 377 avant J-C)
Il n’est pas, comme nous l’avons vu précédemment le père de la théorie des humeurs, mais le premier à en faire un exposé cohérent qui servira de modèle et de base en médecine jusqu’à la période moderne.
Pour lui, l’organisme est un mélange équilibré de plusieurs substances : les liquides qu’il nomme les humeurs et les solides qui contiennent les humeurs. Les humeurs sont au nombre de quatre : le sang, le phlegme, la bile jaune et la bile noire. L’équilibre de ces quatre humeurs constitue la crase. Leur déséquilibre la dyscrasie.
Le tempérament donne à l’homme sa façon d’être. Leur parfait équilibre donne à l’être humain des qualités faisant qu’il est en harmonie avec le monde. Le tempérament n’est pas stable, il évolue, tout comme la nature, avec les saisons et les âges de la vie. La proportion des humeurs est aussi variable selon les individus.
Les maladies apparaissent quand les humeurs sont déséquilibrées mais aussi quand les organes et les humeurs ne sont pas à la bonne température ni au bon degré d’humidité. Selon Hippocrate, la proportion des humeurs varie en fonction de la saison, par exemple, la « pituite augmente chez l’homme pendant l’hiver car elle est la plus froide de toutes les humeurs du corps . Les maladies ont des causes naturelles, reliées aux modifications des humeurs et au milieu extérieur : fatigues, blessures, températures, vents, la nourriture…
L’humeur noire est la plus instable de toutes les humeurs. Appelée aussi bile noire ou atrabile, c’est une humeur concentrée, elle accumule les propriétés térébrantes, corrosives et agressives de la bile jaune.
* Galien (130- 201)
Il n’ajoute rien de théorique à la conception des humeurs d’Hippocrate mais fait beaucoup d’expériences qu’il écrit et classe. Avec lui, la théorie des humeurs devient une doctrine stricte qui n’existait pas jusqu’alors.
Il définit dans le corps certains lieux où s’exercent les humeurs. Par exemple, l’atrabile ou humeur noire s’accumule dans l’hypocondre (le ventre). Le rire favorise l’évacuation de cette humeur.
Quand l’atrabile s’accumule au niveau de l’estomac, l’homme peut alors souffrir d’hypocondrie, une maladie caractérisée par une inquiétude chronique concernant la santé et le bon fonctionnement du corps. Le malade peut alors souffrir de maux physiques comme des nausées, des vomissements et des digestions difficiles. Cette accumulation d’humeur noire peut aussi provoquer un sentiment de crainte, de tristesse et de mal être que l’on nommerait de nos jours, la dépression.
2 - Le corps allégorique
La théorie des humeurs lie intimement l’homme à la création de l’univers et cette conception de l’homme par rapport au cosmos perdure jusqu’au XVIIIème siècle.
L’homme est ainsi associé aux quatre éléments. A chaque période de sa vie correspond la domination d’un élément. A partir du XIIème siècle, la scholastique enseigne que seul l’homme au paradis est caractérisé par l’équilibre parfait de ses humeurs, cela le rend immortel, insensible à la faim, au froid, à la chaleur et à la maladie.
On explique la chute d’Adam et Eve par la prédominance de l’humeur noire qui les fit basculer vers l’imperfection de l’homme terrestre, vicieux et mortel.
Air | Chaud et humide | Sanguin | Jeune |
Feu | Chaud et sec | Colérique | Force de l’âge |
Terre | Froid et sec | Mélancolique | Déclin |
Eau | Froid et humide | Flegmatique | Vieillesse |
Une miniature du XIII ème siècle illustre un manuscrit d’Hildegarde de Bingen. Il représente l’univers sous la forme d’une série de cercles concentriques. L’homme est au centre avec les signes du zodiaque et les quatre éléments. La tête de Dieu, placée au dessus du Christ surmonte tous les cercles. On distingue la sphère d’étoiles fixes et les sept planètes, le soleil et la lune. L’univers entier est au divin, l’homme en est le centre.
Illustration : Hildegard von Bingen: Liber Divinorum Operum. Copy of the 13th century. Biblioteca statale, Lucca (Italia). (wikipedia)
Texte : tiré du mémoire d’histoire de Moriganne
Un passionné de médiéval et de moyen age, fait partie d'une troupe de reconstitution historique sur cette période, j'ai le personnage de sorcier alchimiste. Mais j'ai de nombreuses autres passions...
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