Les contes de la vieille porte (3) Sorciers et sorcières

L’histoire se passe au moyen âge plus précisément dans la ville de Metz.

La vieille porte s’est souvenue un jour d’un récit qu’elle tenait des bois de l’échafaud qui était dressé sur la petite place entre la rue du Voué et la rue Serpenoise. La rue du Voué était la continuité de la rue des Clercs et c’est elle qui débouchait sur l’esplanade (les voués étaient des avocats chargés de la défense des plus faibles). On a vu aussi les Trinitaires passés dans le quartier vers 1266, mais la construction de la citadelle les a délogés. La vieille porte me raconta :

A partir de 13ème siècle, l’inquisition frappa la Lorraine et beaucoup de sorciers et sorcières furent brûlés, nous rapporte Claude Bohr dans son livre et il nous a raconté plusieurs anecdotes, je vais vous en conter une du moins ce dont je me souviens. Je n’insisterais pas sur les traitements imposés aux accusées de sorcellerie pour les faire avouer mais je citerais quand même les grésillons, échelles et autres tortillons, et aussi, les sabbats et les procès. 

La seule histoire qui ressemble à un conte, donc qui nous intéresse, se passe à Metz et met en cause Monsieur de Lorraine, évêque de Metz.

Une jeune fille de bonne famille, que l’on appellera Catherine, tomba amoureuse de Monseigneur, et ne pouvant arriver à le séduire vu la froideur du Prélat, sur les conseils d’une amie, envisagea l’utilisation d’un philtre d’amour. Après maintes discrètes recherches, elle obtint un renseignement sur un rebouteux d’Ancy qui pouvait l’aider et elle entreprit d’aller acheter ce fameux breuvage.

Mais comment faire ingurgiter cette boisson par le prélat ? Il lui vint à l’esprit de soudoyer un serviteur de l'évêché. Manque de chance le valet choisi utilisa ce philtre pour sa belle qui se refusait à lui et il parait que cela réussi. Mais cet homme heureux ne pu tenir sa langue, son histoire s’ébruita et parvint aux oreilles de Jacques de Lorraine.  Catherine et le serviteur furent arrêtés et tous deux condamnés à mort pour “accointance avec gens qui faisaient sortilèges et necromances (*1). Monseigneur, magnanime, trouva que les juges avaient exagéré et pris de remords fit analyser le philtre et il fut conclu que c’était un vin capiteux des côtes d’Ancy que le faux sorcier avait vendu à Catherine, surtout que l’amie du serviteur après avoir cuvée le vin se porta comme un charme.

L’évêque fit grâce aux condamnés. Encore une histoire qui me laisse un doute dis-je à mon amie qui me répondit qu’elle me la citait comme on lui avait rapporté et qu’elle ne garantissait pas la véracité. J’étais quand même dubitatif et, rentré chez moi, j’ai fait quelques vérifications, il est vrai que l’anecdote a été rapportée dans le livre sur l’inquisition de Claude Bohr, et que celle-ci s’est étendue sur cinq siècles du 13eme au 18eme siècle. Jacques de Lorraine a été évêque de 1239 à 1260 et cela aurait pu se passer sous son mandat... Merci à mon amie, car c’est un beau conte qui finit bien....

(*1)  Art d’évoquer les morts pour avoir connaissance de l’avenir ou de quelque chose qui est caché. (On prononce negromance)

Merci à Monsieur Pier Cast pour ce nouveau conte …